Relance de la mine de Yomboyéli : L’immense espoir des jeunes pour l’emploi et les risques de conflits

Le 5 juin 2019, le ministère des Mines et de la Géologie et la société minière indienne Ashapura Group of Industries ont signé un accord portant sur la reprise de l’exploitation de la mine de fer de Yomboyeli. L’ancien permis de Forécariah Guinée Mining (FGM) situé dans district de Laya, sous-préfecture de Moussaya, revient désormais à Ashapura.

Fermée depuis 2015, la relance de la mine redonne déjà l’espoir aux anciens travailleurs de Forecariah Mining et plusieurs membres des communautés vivant autour de ce site minier.

A Laya, localité abritant le site minier, la communauté semble tirer des leçons du départ de l’ex FGM. Pour éviter de revivre les mêmes difficultés rencontrées avec l’ancienne société, les jeunes actifs ont constitué un comité de « veille ».  Cette structure a pour rôle « d’organiser les activités au sein de l’entreprise et hors de l’entreprise », selon Kerfala Touré, membre du comité de veille et responsable de recrutement.

« Par le passé, raconte-t-il, on accusait nos localités de créer des désordres. C’est pourquoi nous avons cette fois-ci évité que cela se répète. Nous allons défendre nos intérêts en conformité avec le code minier en vigueur et éviter d’autres anomalies qui pourraient empêcher l’évolution de l’entreprise », promet-il.

Aboubacar Yansané, citoyen de Laya ajoute : « Ce qui s’est passé avec l’ancienne société, ça nous a donné beaucoup de leçons. Cette fois-ci, nous avons pris des dispositions. Parce qu’avant, on recrutait les gens n’importe comment. Maintenant, on veut qu’on recrute d’abord les jeunes de notre localité avant de prendre d’autres personnes. Que 80% des recrus soient de Laya. Avant, l’emploi était dominé par des travailleurs venus d’ailleurs ».

Lorsque la société Ashapura est venue, rappelle Yansané, ils se sont réunis avec le directeur de la mine. « On lui a dit que pour tous les départements de la mine (ressources humaines, agents communautaires, ouvriers, etc.) nous avons des personnes capables. Avant d’aller chercher ailleurs, il faut d’abord nous consulter.  Nous avons fait une liste que nous lui avons donnée ».

Les zones d’exploitations minières sont souvent émaillées de mouvements de revendications. Sur ce point, Aboubacar Yansané tranche : « Nous avons pris de mesures pour ne pas faire des grèves ni ériger des barricades. Si c’est ce qui va bloquer les activités, elles ne seront plus bloquées à Laya. Désormais, pour tout problème ou besoin, on fait l’écrit pour adresser à qui de droit ».

Quid des attentes des communautés ?

Aussi sont nombreuses les personnes désireuses d’emploi, moins sont les compétences nécessaires pour répondre aux critères des entreprises. A Laya Comme à Konta (lieu abritant le port minier), l’espoir de trouver un emploi au sein de la nouvelle entreprise reste constant.

  Touré Amara Laye, sociologue de formation, fraichement sorti de l’université est rentré dans son Konta natal à la quête d’un emploi chez Ashapura, comme les dizaines d’autres jeunes de la localité.

 « Avec l’arrivée de cette société, c’est un immense espoir pour nous les jeunes de Konta. Quand je parle de l’espoir, je fais allusion à l’emploi mais aussi à un changement pour le développement de la communauté. Sur le plan de développement, je pense à la réalisation des infrastructures, telles que des centres de santé, des écoles, des puits améliorés… », laisse-t-il entendre.

Les habitants de Konta vivent de l’agriculture et de la pêche. De nos jours, le chômage plane chez la plupart des jeunes diplômés de Konta. Comme Touré, Youssouf Sankon est aussi diplômé en économie minière.

« Cette annonce de la reprise des activités m’a donné de l’espoir. Il y a le chômage qui plane sur la commuanuté. Comme le travail d’exploitation n’a pas encore commencé, nous espérons que quand tout sera au point, nous  allons être recrutés au sein de la société, nous les ressortissants issue de la communauté », espère-t-il.

A Laya, l’enthousiasme de l’arrivée d’une nouvelle entreprise est palpable chez les citoyens interrogés par Action Mines Guinée.

« C’est une joie pour nous que Ashapura reprenne les activités de la mine de Yomboyéli. On a fait des sacrifices pour trouver un autre repreneur de la mine. Aujourd’hui nous attendons un emploi favorable à nos communautés. On impose à la société de prendre les membres de la communauté pour les différents postes. Si on trouve que ceux qui sont là ne peuvent pas remplir les critères, on consulte nos ressortissants à Forécariah et à Conakry pour trouver quelqu’un qui peut remplir. Si on ne trouve pas, on donne maintenant à l’entreprise. Et nous attendons aussi que l’entreprise nous accorde de la formation », explique Kerfala Touré.

Parlant de l’emploi, à écouter les jeunes des deux localités, les travailleurs de l’ancienne société FGM, provenaient essentiellement d’autres préfectures ou régions du pays. Une chose que ces jeunes n’apprécient pas. Malgré leur manque de formation et d’expérience dans le travail de la mine, ils croient que Ashapura devrait leur offrir l’opportunité de travail. Puisque, pour eux, la mine se trouve dans leur communauté et a fait perdre des espaces cultivables, des sources d’eau, etc.

« Bien que nos formations à l’université soient inadéquates avec les postes de l’entreprise, nous demandons à la société Ashapura de nous recruter tous et de nous former à leur système », plaide le sociologue Touré Amara Laye. 

La communauté locale ne comprend pas bien le code minier régissant l’exploitation minière en Guinée. Par conséquent, ses chances ‘’d’exiger’’ que leurs droits soient respectés sont infimes. La plupart ont un sentiment général du «droit» de bénéficier de la richesse de la mine et un sentiment de désillusion par rapport au fait d’avoir été privés de certaines terres pour l’agriculture.

Au regard de la faible compréhension des communautés du cadre juridique et réglementaire régissant le secteur minier guinéen, notamment dans ses aspects « contenu local et RSE », il s’avère plus qu’important pour les parties prenantes (gouvernement, société civile et compagnies minières) de multiplier les actions d’informations, de formations et de sensibilisations à l’endroit des communautés. Ce, pour atténuer les risques de conflits, à ce jour élevés.

Mamadou Aliou BM Diallo

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