Pouskine, l’autre village oublié dans la gestion des redevances minières

Le village de Pouskine situé à environ 5 km de la commune rurale de Mambia, dans la préfecture de Kindia est beaucoup impacté par l’exploitation de la compagnie des Bauxites de Kindia (CBK). Malgré les impacts négatifs que subissent les citoyens de cette localité, Pouskine ne bénéficie de presque rien des redevances, pourtant versées aux collectivités pour compenser les effets négatifs et appuyer le développement des localités abritant l’exploitation.

Chaque année la CBK verse environ 3 milliards de francs guinéens de taxe sur les chiffres d’affaires aux collectivités de Kindia pour appuyer leur développement. Dans le système de péréquation de la préfecture, les communes rurales les plus impactées, notamment Friguiagbé et Mambia sont prioritaires et raffolent les plus gros montants. En 2016 par exemple, seule la CR de Mambia avait eue 423 millions 865 mille 766 GNF sur un total de 2 milliards 886 millions 71 mille 487 GNF au compte des redevances de 2014. Et en 2017, elle a obtenu 570 millions GNF sur 3 milliards 45 millions. Malgré ces montants, certaines localités les plus touchées par l’exploitation dont Pouskine demeurent dans les oubliettes des responsables de la commune rurale de Mambia.
Pouskine, un village impacté
Le village de Pouskine est à 3 km du carrefour Débélen. Il est situé à l’Est par le dépôt de bauxite brut de la cité, à l’Ouest par la mine de la CBK qui exploite à haute altitude sur la montagne, au Nord par la mine de Débélen et au Sud par le district de Mambia centre. Les 700 habitants de cette localité gèrent aujourd’hui les séquelles de l’exploitation de la bauxite dans leur zone. Au-delà du manque d’eau potable et d’infrastructures de base, notamment des écoles, centres de santé et lieux de loisirs, il y a les maladies hydriques ou pulmonaires liées à l’exploitation. En majorité agropastorales, les citoyens de Pouskine ont du mal à trouver des aires de culture et l’élevage reste encore secoué.
Au-delà, d’un forage, des hangars transformés en salles de classe construits par la CBK dans le cadre de sa responsabilité sociétale ou du goudron qui traverse le village pour la cité, les villageois n’ont aucun résultat de l’exploitation de la bauxite sur la terre de leurs ancêtres. Et plus grave encore, l’argent des redevances versées à Mambia pour compenser les effets de l’exploitation sur le village et ses habitants n’a jamais servi à faire quoi que ce soit à Pouskine, se lamentent les citoyens. Une chose que confirme le vice-président de la délégation spéciale de Mambia.
Le cri de cœur d’un citoyen en détresse

Abdoulaye Soumah, représentant des jeunes de Pouskine dit tout d’abord que le secteur de Pouskine ne bénéficie rien des redevances minières que la CBK paye pour le développement des zones impactées par son projet. Et cela malgré les impacts négatifs que nous vivons ici au quotidien. «La preuve est que nous sommes plus de 700 habitants dans ce village avec un seul forage pour la fourniture d’eau potable. Et regardez l’état dégradé de ce forage. La commune rurale de Mambia qui reçoit en principe les redevances à notre nom, doit investir dans les communautés qui vivent les séquelles de l’exploitation. Cet argent que donne la CBK est une façon de compenser les impacts négatifs de l’exploitation et il doit être investit dans le développement local. Nous sommes au centre de l’exploitation minière, mais nous n’avons pas d’infrastructures de base. Il y a un manque de salles de classes pour nos enfants. La seule école qui est là, qui est d’ailleurs un vieux hangar de Rusal CBK transformée est insuffisante. Le nombre d’enfants augmente chaque année et les salles de classes ne varient pas. On n’a pas de maison de jeunes pour tenir nos réunions ou recevoir des hôtes. Quand on a des étrangers, il nous faut les envoyer à Baloni, Carrefour Debelen ou à Mambia pour les recevoir. Et ça c’est inacceptable. On n’a pas de centre de santé. Nos malades se déplacent à 5 ou 7 km pour avoir des soins et ça c’est très compliqué face à certaines situations, comme des crises ou autres », se lamente-t-il.
Sur la fourniture d’eau potable, il note qu’il y a un manque criard d’eau potable, parce que le seul forage que dispose le village ne peut pas satisfaire le besoin des habitants. « Nous sommes obligés de fermer le forage de 10 h à 16h pour permettre à tout le monde d’avoir un peu d’eau et éviter que le forage ne tombe en panne. Parce que quand il tombe en panne, c’est nous-mêmes qui cotisons pour réparer le forage. Une fois, il est tombé en panne et nous avons demandé à la commune de Mambia de nous aider à le réparer. Ça a été un refus catégorique. Notre seul marigot est pollué par la boue rouge dégagée par la mine de la CBK. Du fait qu’il n’y a pas de forage près de l’école, les enfants boivent cette eau polluée avec tous les risques sanitaires. Nous n’avons pas de plaines cultivables à cause de cette exploitation. Nous avons écrit à plusieurs reprises à l’entreprise et à la mairie de Mambia, mais aucune suite favorable n’a été donnée à notre requête », précise Abdoulaye Soumah.
Sur ce que les villageois envisagent de faire pour se faire écouter par la commune rurale de Mabia, le jeune dit que des concertations des secteurs les plus impactés par la CBK ont commencées au niveau du district pour faire des propositions à la commune rurale. Mais ils veulent cette fois se faire entendre, « on va dire au nouveau maire que nous avons besoins d’écoles, de centres de santé, de forages ou de maisons de jeunes. S’il nous écoute contrairement à son prédécesseur qui est décédé, tant mieux. Si non, nous allons utiliser tous les moyens légaux à notre disposition pour faire face à nos problèmes».
Pour lui, les redevances minières sont payées, mais les autorités communales ne font que détourner l’argent des collectivités. « La mairie de Mambia monte des faux projets pour décaisser des fonds au nom des citoyens des zones impactées. Ils disent cette année par exemple avoir financé 20 millions pour la rénovation de la maison des jeunes de Mambia, 19 millions pour refaire 300 m de route qui mène à l’école, 45 millions pour le reboisement à Lamikhouré, mais sur le terrain, rien n’a été fait. Ils montent des projets fictifs pour justifier l’argent qu’ils ont bouffé. Et c’est très malheureux pour nous », raconte le jeune en colère.
Abdoulaye Soumah lance un appel à toutes les bonnes volontés, le gouvernement, les ONG et institutions et aux autorités locales pour venir au secours des habitants de Pouskine et environs.
Les autorités locales doivent en principe redistribuer les redevances minières en en promouvant le développement dans les communautés impactées par l’exploitation, selon les prescriptions du code minier. Les citoyens doivent à leur tour faire un suivi citoyen de la gestion des montants versés aux collectivités pour le développement des zones touchées par l’exploitation des ressources naturelles. Et les autorités doivent quant à eux rendre compte de la gestion de l’argent public pour promouvoir la redevabilité et la bonne gouvernance dans le secteur des mines en Guinée.
Mamadou Oury Bah, envoyé spécial

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