Minerai de fer de Yomboyéli : « J’ai peur. Je me demande si Ashapura a la taille réelle de reprendre les passifs de FGM », craint Ibrahima Sory Touré

Le secrétaire général chargé des collectivités de Forécariah, Ibrahima Sory Touré  parle ici de la reprise des actifs et passifs de Forécariah Guinea Mining (FGM) par Ashapura, des dispositions prises pour éviter de revivre le passé, les défis et perspectives pour les guinéens. Interview !

AMINES : L’indienne Ashapura vient de reprendre la mine de Yomboyéli, laissée par Forécariah Guinea Mining. Comment avez-vous accueilli la nouvelle ?

Pour la reprise, il y a un engouement total ici et sur le terrain, avec toutes les conséquences que vous connaissez et qui vont en découler. C’est obligatoire, les mines vont avec ça. Si vous allez au port de Konta aujourd’hui, vous trouverez un amas d’individus à la porte croyant que le travail reprend aujourd’hui. C’est la même chose à Laya où se trouve la mine et même en ville ici. Il y a des comités de veille qui se forment pour le recrutement. Dans mon bureau ici, ça ne fait que passer. Je leur dis souvent de se calmer.

Cette arrivée d’Ashapura vient décharger un poids très lourd aux autorités. Vous savez, quand une entreprise a mis la clé sous le paillasson, elle laisse derrière elle des dettes, surtout dans le cadre de la compensation. Nous avons beaucoup de schémas. La société Ashapura a repris la mine de Yomboyéli avec tout son passif. Le ministre a été très clair.  C’est à dire que tout ce que l’autre avait comme dettes et autres, il faut d’abord les désintéresser. Payer toutes les taxes et impôts à l’Etat, payer la taxe superficiaire aux collectivités touchées, désintéresser les travailleurs qui étaient là avec un contrat à durée indéterminé, parce qu’on les a fait asseoir comme ça sans aucune notification. Il y a beaucoup de choses à résoudre. Je vous avoue que c’est là que j’ai peur. C’est lourd et je me demande si Ashapura a la taille réelle de répondre à tout ça.

Les activités ont déjà repris sur le terrain ?

La reprise n’est pas encore effective. Lors du lancement, le secrétaire général du ministère des mines et de la géologie avait dit 4 mois, et on est au deuxième mois. Mais, l’entreprise est en train de faire la remise en état des machines. Quand des machines de ce genre qui doivent fonctionner 24 heures sur 24 s’arrêtent pendant plus de 4 ans. Ils ont cherché des techniciens spécialisés pour travailler sur les machines actuellement. Le travail proprement dit n’a pas encore commencé. Et au-delà de ça, il n’y avait pas d’entretien et des gens ont violentés et voler certaines choses dans les installations. Notamment les fils en cuivre au port de Konta.

Comment Ashapura est venue à Yomboyéli ?

Cette société a un permis sur la bauxite à Kindia depuis un bon moment, mais elle a des problèmes d’évacuation de son minerai. Ashapura est donc venue nous voir pour pouvoir passer par Sikhourou et Moussaya pour tomber sur la route minière et rejoindre le port minéralier de Konta. Nous avons fait des réunions communautaires pour sensibiliser les gens autour de cette idée. Ils nous ont demandé une garantie. Ils sont en recherche avancée à Kindia et ils voient de la bauxite à coté, dans la localité de Doto. Nous les avons aussi mis en contact avec le syndic qui était installé pour s’occuper soit de la liquidation de la société FGM ou de la reprise du projet. Nous nous sommes dit qu’ils s’intéressent à la route minière et au port, pourquoi ne pas s’intéresser à ce qui a mis ces infrastructures en place ? C’est comme ça qu’ils se sont intéressés à la mine de Yomboyéli.

Au niveau de Conakry, il y avait beaucoup de repreneurs qui venaient, mais qui n’étaient pas sérieux. A chaque fois qu’Ashapura vienne, nous les demandons d’aller à Conakry pour discuter. Ils savent que Yomboyéli n’est pas d’une grande capacité, mais comme ils sont intéressés aux infrastructures, ils ont accepté. Sinon même le prix du fer ne fait que chuter au niveau international en dents de scie, mais comme l’alumine a son pesant d’or, le marché a été fait avec Ashapura.

L’exploitation minière va avec la dégradation de l’environnement. Quelles sont les dispositions prises à votre niveau pour atténuer les dégâts ?

Nous avons pris beaucoup de dispositions, sinon aujourd’hui on ne parlerait pas de Konta ou Yomboyéli. Malgré le fait que les autorités préfectorales ne soient pas associées au départ par Forécariah Guinée Mining (FGM), nous avons pris le devant pour organiser nos communautés en comités de surveillance et de défense, bien que le bas blessait par endroit. Parce que les gens même qui sont chargés de surveiller sont des voleurs. Alors, nous avons demandé aux autorités supérieures de nous venir en aide. C’est ainsi qu’une mission de la présidence est venue ici avec une société de gardiennage avec laquelle on est parti à Laya et Konta pour recruter des gens qui étaient d’ailleurs payés par la présidence de la République. C’est ce qui a permis de sauvegarder les installations.

Est-ce que l’ancienne société (FGM) avait mené une étude d’impact environnemental et social ?

Non, non ! Il ne faut même pas aller loin. Je suis le président du comité préfectoral du suivi environnemental et social, mais je vous dis que FGM qui est arrivée sous l’ère du CNDD ne l’avait pas fait. C’était une société écran. Vous avez vu qu’ils sont repartis comme ils sont venus. Des promesses comme l’usine textile, l’avion et le train, et malheureusement c’est ce dernier qui a été réalisé. C’est maintenant que nous avons vu qu’il y a une forme de règle. Sinon avec le directeur préfectoral de l’environnement, nous avons à plusieurs reprises écrit à cette entreprise pour qu’elle fasse une étude d’impact environnemental et social assorti d’un plan de gestion des dégâts sur l’environnement, la compensation etc…. on les a montré les documents faits par Rio Tinto qui étaient dans les règles de l’art. D’ailleurs si Rio Tinto restait, c’était une école pour nous. Mais nous n’avons pas réussi.

C’est cette démarche qui continue avec Ashapura ou alors quelle est la nouvelle démarche ?

Le secrétaire général du ministère des mines et de la géologie est venu au nom du gouvernement pour annoncer la reprise et nous on attend de savoir ce que l’entreprise va proposer. Nous sommes en train de demander aux populations de se calmer pour ne pas qu’on commence à les demander ceci ou cela avant le redémarrage des activités. Ceci, pour éviter de créer d’autres problèmes. Il y a toujours des mesures incitatives. Nous attendons le début des travaux pour dire qu’il faut ça ou ça.

Avez-vous échangé avec l’entreprise une fois par rapport aux problèmes de compensations et de réinstallation des communautés touchées par le projet ?

Pas du tout. Nous nous sommes dit d’attendre qu’ils soient sur le terrain pour commencer les travaux. Pour nous, le début des travaux c’est d’être à Laya, commencer le processus de recrutement ou alors le départ du premier camion de transport de minerai. C’est en ce moment qu’on va les demander de se mettre en règle. De toutes les façons, on a besoin d’eux, nous avons besoin du payement des taxes superficiaires pour construire un pont, une école ou une maison pour les villageois.

Quels sont les autres défis liés à cette exploitation minière  à Forécariah ?

Il y a toujours des impacts positifs et négatifs. Nous préférons les impacts positifs et essayons de minimiser ceux négatifs à défaut de les transformer en impacts positifs. Mais l’installation d’une entreprise minière donne toujours un espoir et mieux, nos jeunes vont profiter de l’emploi, de la technologie, de la formation pour les étudiants sortant pour qu’ils soient en adéquation avec les emplois au niveau de l’entreprise.

Quelque chose que vous aimeriez ajouter ?

On sollicite ce qui se trouve dans les autres localités minières, notamment de l’eau, de l’électricité et des habitats décents, les soins de santé primaire pour les communautés. L’appétit vient en mangeant.

Mamadou Oury Bah, envoyé spécial

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