Soumbouyadi : Du processus de compensation aux promesses manquées

« Le processus de compensation et d’indemnisation n’a pas été transparent et équitable à Soumbouyadi, parce qu’ils nous ont trompé. Nous nous ne savions rien dans la pratique des activités minières. Comme nous sommes analphabètes, ils sont venus tomber sur nous. Si nos autorités étaient de bonne foi, c’est elles qui devraient nous défendre. Mais hélas », dénonce le chargé de l’organisation de la jeunesse de Soumbouyadi.

Aveugle de son état, Aboubacar Foté sylla, la cinquantaine révolue, est revenu de long en large sur le processus de compensation dans son village. « Que Dieu nous en garde », entame-t-il, avant de fustiger : « la société qui nous a amadoué ici est ‘’Eurasian Resources’’ en 2017. Ce sont eux qui sont venus nous demander de les passer nos terres pour qu’ils puissent travailler chez nous. Notre responsable d’alors, Elhadj Soriba Sylla les a donné l’aval. Quant à nous communautés, nous leur avons dit nos besoins, s’ils devaient prendre nos  terres ».

Les besoins portaient sur la construction des infrastructures de base, la desserte de la localité en eau potable, de l’électricité, de l’aménagement d’un terrain de football pour les jeunes, la construction d’un marché, etc.  Les conditions posées par la communauté ont été « consignées dans un document dont l’engagement a été signé par la société», informe Sylla. Selon lui, c’est comme si cet engagement ne valait rien à Eurasian, parce qu’à chaque des gens revenaient poser les mêmes questions à la communauté. « Et à chaque fois qu’ils viennent nous leur disons la même chose», insiste notre interlocuteur.

Parlant de l’enclenchement du processus, le responsable de mobilisation de la jeunesse se souvient qu’un jour, la société est passée au village pour travailler avec les citoyens sur « le recensement des terres et champs des personnes qui devraient être impactés par leur projet. Ce travail a été réalisé à l’aide d’une machine que chacun tenait pour faire le tour de son champ. C’est de cette manière que nous avons procédée pour tout ‘’Kokaya’’ et toute la zone dont ils avaient besoin ».

Quel instrument juridique ? Quelle méthode de calcul ? A la présence de qui ? Quelle est compensée à combien ? Les citoyens de Soumbouyadi ne trouvent pas de réponses à ces questions.

« Ils sont allés faire leur calcul et ils sont venus avec un premier chèque pour la communauté. Nous ne sommes pas instruits. Mais ce jour-là, nos ressortissants étaient présents et ils s’y connaissent un peu. Donc, ils ont recommandé à ce que le chèque ne soit pas accepté puisqu’ils estiment que l’argent proposé est petit par rapport aux terres récupérées de ‘’Kokaya’’ jusqu’à ‘’Dolé’’. Pourtant, nous vivons à travers ces terres que nos ancêtres nous ont laissées. Nous y cultivons le riz, le maïs, le mil  etc. S’ils nous récupèrent ces terres, nous n’avons nulle part où aller. Nous restons ici. »

Ibrahima Sory Bangoura, un autre habitant de Soumbouyadi, s’est a témoigné en ces termes : «pour ce cas, la société est venue juste avec un appareil à l’aide duquel chacun fait le tour de son domaine impacté. Elle a une façon de multiplier les choses et de calculer que la communauté ignore. Donc c’est cet argent, très petit que la société a envoyé pour compenser. Par rapport aux domaines qui nous servent d’alimentation,  en aucun cas cet argent n’équivaut à ce rendement qui nous permet de vivre des décennies. Proposer 50 millions GNF à une famille entière, ça ne peut même pas te construire une  maison. Moi je trouve ça scandaleux

De tiraillement en tiraillement, les sages du village se sont impliqués pour conseiller la communauté de prendre le chèque, tout en espérant que beaucoup de privilèges en résultent de cette activité dans le futur. « Mais jusqu’aujourd’hui, dénonce Foté, nous constatons que nos conditions de vie ne font que se dégrader. Et les promesses n’ont pas été du tout réalisées par la société ». Par exemple, des promesses ont été faites en l’endroit des communautés sur la formation et l’emploi des jeunes au niveau local. Mais ces promesses restent encore dans les tiroirs.

Bien que la communauté était en phase avec le mode de recensement des biens, ce qu’elle n’a pas apprécié, c’est les « modiques » sommes d’argent proposées lors de la compensation.

 Elle dénonce aussi l’attitude des autorités qui « n’ont fait aucun effort pour nous aider dans ce processus. Ils nous ont laissé à nous-mêmes. Nous avons rédigé des plaintes contre la société, il n’y a eu aucune réaction», affirme Aboubacar Foté.   

Comme message, le responsable mobilisation de la jeunesse de Soumbouyadi demande à la société d’accepter de mettre leurs enfants auprès d’elle pour qu’ils apprennent le travail, voire leur former sur place pour qu’ils puissent nourrir les parents en amont. Puisque, selon lui, ce sont eux qui sont à la charge des familles. « Si la société n’accepte pas ça, c’est que nous avons pas eu d’intérêt de céder nos terres. En plus nous leur invitons de tenir à leurs promesses par rapport aux infrastructures de base, l’eau, et le courant », lance-t-il.

Aliou Diallo et Ibrahima Sory Kourouma

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